Lana Del Rey, Los Angeles, 2017. © photo Molly Matalon pour Les Inrockuptibles
Tu n’avais rien sorti depuis Honeymoon, en 2015. Comment sais-tu ou sens-tu que tu es prête pour un nouvel album ?
Lana Del Rey – Mon problème, ce n’est pas de commencer, c’est de m’arrêter. Même quand on est censé avoir fini l’album, je continue sur ma lancée, je veux toujours rajouter une chanson, puis une autre. S’il n’y avait pas le mixage pour m’accaparer en fin de parcours, je continuerais d’écrire. Par exemple, deux des chansons du nouvel album ont été composées alors que nous étions en train de finaliser le précédent.
Je ne peux pas m’empêcher de travailler, j’adore être en studio, je m’y sens bien, chez moi. Ça fait cinq ans que j’utilise le même lieu, à Los Angeles, que je travaille avec la même petite équipe, dont le producteur Rick Nowels. Nous passons notre vie ici, en gang.
Tu ne connais donc jamais l’angoisse de la feuille blanche ?
C’est une crainte qui m’accablait avant que je commence à enregistrer des vrais disques. C’était très présent à cette époque d’avant le succès, quand j’enregistrais pour le simple plaisir, quand j’écrivais seule chez moi. J’avais la certitude que l’inspiration allait me lâcher et ça arrivait régulièrement, j’étais incapable de composer pendant six mois parfois.
Mais depuis dix ans, je trouve facilement l’inspiration – ou elle me trouve. J’ai appris à la stimuler. Notamment en refusant la solitude, en sortant avec des amis, en observant ce qui se passe, sans stress. J’utilise sans arrêt mon téléphone en mode dictaphone, j’y enregistre des bouts de mélodies, des phrases… C’est un peu effrayant, je dois avoir sept cents ébauches de chansons sur mon téléphone.
Je sais d’expérience que si j’entends une mélodie dans ma tête, je dois courir vers mon téléphone pour la consigner, même en plein milieu de la nuit. Une bonne mélodie ne frappe jamais deux fois à votre porte. Si vous ne l’accueillez pas, elle ira sonner à une autre porte. Par exemple, pendant l’enregistrement de Honeymoon, j’entendais régulièrement une mélodie dans ma tête, qui me torturait et que je n’arrivais pas à attraper. Ça sonnait comme une musique de la Renaissance… Il a fallu que je fredonne cette mélodie pendant des mois pour l’apprivoiser, elle est devenue Terrence Loves You (elle chante longuement)…
Adolescente, tu avais la réputation d’être une casse-cou. Ça s’exprime comment aujourd’hui ?
Mes défis ne sont plus physiques, je prends les risques ailleurs. A 18 ans, je conduisais comme une dingue, je partais en virée sans dormir pendant des jours et des nuits. J’étais plus libre, plus spontanée, je me souciais peu des conséquences… J’ai aujourd’hui plus de responsabilités, envers mes proches, mes partenaires… Je suis obligée de montrer l’exemple, d’arriver à l’heure, le bon jour… J’avais dans le passé suffisamment de boulot avec moi-même, pour juste me maintenir en vie, avant de trouver le temps de m’occuper des autres. Là où je prends des risques en 2017, c’est au niveau des mélodies, de mes choix musicaux. Mais je suis un peu passée de casse-cou à nerd (rires)… (suite…)