La « dame de fer » turque défie Erdogan avec un nouveau parti

Une ancienne ministre de l’Intérieur et figure du nationalisme turc, Meral Aksener, a lancé mercredi un parti politique dans l’objectif de disputer le pouvoir au président Recep Tayyip Erdogan, qui règne en maître depuis près de 15 ans.

Mme Aksener a promis d’oeuvrer au « renouveau » et à une Turquie « puissante » et « heureuse », lors d’un discours pugnace à Ankara pour le lancement de sa formation politique baptisée Iyi Parti, « le bon parti », selon une journaliste de l’AFP.

A 61 ans, cette femme politique au caractère en acier trempé espère imposer sa formation comme le principal obstacle de M. Erdogan lors des élections de 2019 qui entérineront le passage d’un système parlementaire à un système présidentiel, validé par référendum en avril.

« Nous avons de l’espoir, des rêves. (…) Nous avons de la force », a déclaré Mme Aksener, qui a présenté dans la matinée la demande d’enregistrement du parti au ministère de l’Intérieur. « Nous voulons une Turquie juste (…) nous voulons une société libre ».

Des milliers de soutiens et les membres fondateurs de cette nouvelle formation ont assisté à son lancement dans une salle aux murs tapissés de soleils jaune et bleu, logo du parti, ainsi que de portraits du fondateur de la République turque, Mustafa Kemal Atatürk.

Membre depuis 2001 membre du Parti d’action nationaliste (MHP), elle en avait été évincée en septembre 2016 après avoir échoué à en prendre la tête face à Devlet Bahçeli, leader de la droite nationaliste depuis près de 20 ans.

Sans parti, et armée de son seul bagout, Mme Aksener s’est néanmoins imposée comme un acteur incontournable de la scène politique lors de la campagne pour le référendum constitutionnel du 16 avril.

Tandis que le MHP soutenait cette réforme, Mme Aksener s’était imposée comme l’une des principales figures du camp du non.

– ‘Potentiel’ –

Dans les semaines précédant le lancement de son parti, des centaines de membres du MHP à travers le pays ont fait défection pour rejoindre Mme Aksener.

Un député du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), Aytun Ciray a également quitté lundi son parti, principale formation d’opposition au parlement, pour la rejoindre.

« L’émergence d’un nouveau parti est une chose positive parce que la Turquie a vraiment connu une pénurie en termes de partis d’opposition efficaces pendant de très nombreuses années », affirme Amanda Paul, spécialiste de la Turquie à l’European Policy Center à Bruxelles, qui estime que ce parti « a le potentiel pour être plus efficace que ceux qui existent déjà ».

Selim Sazak, analyste politique turc au Delma institute à Abou Dhabi, est lui sceptique quant aux chances de Mme Aksener de remporter la présidentielle de 2019. « Etre seulement anti-Erdogan ne suffira pas », estime-t-il.

M. Erdogan a été Premier ministre de 2003 à 2014, année où il a été élu président.

– ‘Louve’ –

Meral Aksener est une figure atypique dans le paysage politique turc, où les femmes restent rares aux premiers rôles : il n’y a que deux femmes ministres et 14% des députés sont des femmes.

Elle a été affublée de nombreux surnoms, de la « dame de fer » turque, en référence à Margaret Thatcher, à « Asena », du nom d’une louve faisant partie de la mythologie turque, en passant par des références à Marine Le Pen, cheffe du parti d’extrême droite français.

Elle a été ministre de l’Intérieur moins d’un an, entre 1996 et 1997, et a été l’une des proches de l’ex-Première ministre Tansu Ciller.

Même si les détails de son programme politique n’ont pas encore été dévoilés, ses soutiens sont convaincus qu’elle peut recueillir des voix du MHP, mais aussi chasser sur les terres du CHP et du parti islamo-conservateur au pouvoir, l’AKP.

Pour Kemal Can, auteur et spécialiste du MHP, ce nouveau parti pourrait avoir un succès inattendu, citant en exemple le président français Emmanuel Macron, qui n’a créé sa formation politique En Marche! que peu de temps avant l’élection présidentielle.

Mais les analystes estiment qu’il va falloir plus de temps pour voir comment se comporteront les électeurs de l’AKP.

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