
La déclaration unilatérale d’indépendance en Catalogne mardi, immédiatement suspendue par le président régional, pourrait pousser le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy à adopter des mesures contre les autorités séparatistes, l’une d’entre elles consistant à « prendre le contrôle » de la région, un scénario inédit.
– Que dit la Constitution ?
L’Espagne est un pays extrêmement décentralisé et la Constitution adoptée en 1978 confère aux 17 régions, les « Communautés autonomes », des pouvoirs étendus en matière de santé et d’éducation, par exemple.
Mais elle a institué des garde-fous qui permettent au pouvoir central d’intervenir directement dans les affaires d’une région en cas de crise.
Mardi soir, le président séparatiste de Catalogne Carles Puigdemont a déclaré, puis signé une « déclaration d’indépendance », mais il l’a suspendue en vue d’un hypothétique dialogue.
Le gouvernement espagnol accuse M. Puigdemont d’agir en toute illégalité et ne reconnaît pas la « déclaration d’indépendance », ni le « référendum » d’autodétermination du 1er octobre sur laquelle elle s’appuie.
Le chef du gouvernement Mariano Rajoy a convoqué un conseil des ministres extraordinaire pour mercredi matin pour décider de la réponse à donner.
Parmi les mesures qu’il pourrait prendre, l’article 155 de la Constitution a beaucoup été évoqué ces derniers jours.
Cet article jamais utilisé permet de prendre « les mesures nécessaires pour la contraindre à respecter les dites obligations » imposées par la Constitution ou d’autres lois, avec « l’accord de la majorité absolue au Sénat ».
Cependant le chef du groupe parlementaire du Parti Populaire de M. Rajoy, Rafael Hernando, a estimé mardi que la situation demandait l’application d’une série de mesures et pas seulement d’un article de la Constitution.
– Quelles ‘mesures nécessaires’ ?
L’article 155 ne détaille pas les « mesures nécessaires », d’où l’incertitude qui entoure son application. Voici ce qu’en disent des spécialistes du droit constitutionnel.
Il permettrait de « prendre le contrôle des organes politiques et administratifs de la Communauté autonome rebelle », a expliqué à l’AFP Teresa Freixes, de l’université autonome de Barcelone.
Il entraîne ainsi la « suspension » temporaire de l’autonomie de la région, selon José Carlos Cano Montejano, de l’université Complutense de Madrid.
Des fonctionnaires et des élus peuvent être suspendus et remplacés.
Carles Puigdemont pourrait donc être remplacé par le préfet de Catalogne, principal représentant de l’Etat dans la région.
Dans le même temps, le gouvernement central pourrait assumer les compétences dévolues à Barcelone, « comme l’ordre public ou les services publics ».
Pour Javier Pérez Royo, de l’université de Séville, les mesures pourraient aller de la « suspension du gouvernement (régional séparatiste), au placement des Mossos d’Esquadra (police catalane), sous les ordres du ministère de l’Intérieur » et même « à la fermeture du parlement régional ».
Des élections régionales pourraient « éventuellement » être organisées, d’après M. Cano Montejano.
Mais certains Catalans pourraient voir cette prise de contrôle d’un très mauvais oeil et elle pourrait aggraver les tensions.
– Comment déclencher l’article 155?
Le chef du gouvernement doit d’abord sommer le président de la région concernée de revenir à l’ordre constitutionnel dans un délai donné.
En cas d’échec, M. Rajoy saisit le Sénat, où son parti est majoritaire, et lui fait part des « mesures nécessaires » qu’il compte appliquer.
En principe une commission sénatoriale se réunit, puis tous les élus en séance plénière. S’ils entérinent les propositions du chef du gouvernement à la majorité absolue, ce dernier a les mains libres pour les appliquer.
Mais le processus pourrait prendre du temps. « Même en raccourcissant la procédure, cela pourrait prendre une semaine », a indiqué un sénateur à l’AFP, et « huit à dix jours », selon M. Perez Royo.
– D’autres recours?
Outre l’article 155, le gouvernement dispose de plusieurs leviers. Il peut déclencher l' »état d’urgence », l' »état d’exception » ou encore « l’état de siège ».
La déclaration ces trois états peut notamment affecter la « liberté de circulation ou la liberté de réunion » des Espagnols, rappelle M. Cano Montejano.
Enfin, la loi de « sécurité nationale » promulguée en 2015 permet au gouvernement de décréter que le pays se trouve dans une « situation mettant en cause la sécurité nationale ».
Selon Mariano Rajoy, cette procédure est réservée aux situations à cheval entre « les crises ordinaires, l’état d’urgence, d’exception et de siège », et permet de légiférer par décret et par exemple de contrôler directement la police catalane.
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