
L’ELN, dernière guérilla de Colombie, s’inquiète face aux turbulences du processus de paix avec les Farc, alors qu’elle est elle aussi engagée sur le chemin de la réconciliation, confie à l’AFP son chef des négociations avec le gouvernement.
« Ce que nous observons, ce sont des faits très préoccupants », déclare Pablo Beltran dans cet entretien, réalisé quelques jours après l’entrée en vigueur, le 1er octobre, d’un cessez-le-feu bilatéral, inédit dans l’histoire de l’Armée de libération nationale (ELN).
La Colombie a signé en novembre dernier un accord de paix historique après la plus importante guérilla du pays, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), avant d’engager en février, à Quito, des discussions de paix avec l’autre mouvement armé, l’ELN.
Mais fin septembre, le parti issu des Farc a accusé le président Juan Manuel Santos de ne pas respecter « les garanties minimales » de l’accord.
Question: Les Farc accusent le gouvernement de ne pas respecter ce qui a été « promis et signé ». Cela a-t-il une influence sur les négociations de Quito?
Réponse: « Absolument, car quand on voit que l’autre (les Farc, ndlr) va de l’avant mais qu’on ne respecte pas (la parole donnée), enfin voyons! (…) En Colombie, il y a un dicton: en fonction du petit déjeuner, on sait comment sera le déjeuner. »
Q: Certains ex-membres des Farc veulent rejoindre l’ELN?
R: « Dans les registres que nous tenons, près de 40% des combattants des Farc qui ont participé à (la paix, ndlr) sont en dehors des programmes (de réinsertion), mais cela ne veut pas dire qu’ils partent tous pour l’ELN. »
Q: Cela représente combien d’ex-guérilleros?
R: « Plus de 2.000, c’est beaucoup. »
Q: Est-il possible de signer un accord de paix avec le gouvernement du président Santos, qui quitte le pouvoir dans 10 mois?
R: « Ce n’est pas seulement une question de temps, car il y a beaucoup de choses que la coalition du gouvernement ne peut garantir. Par exemple, actuellement la mise en place du système de justice (adapté) négocié avec les Farc est totalement bloquée au Parlement (…). Donc, comme il y a une bataille électorale, la coalition du gouvernement est de plus en plus affaiblie et le gouvernement ne peut pas prendre de décisions. »
Q: La campagne électorale aura un impact également sur les discussions à Quito?
R: « Pour l’instant, non. Nous avons vu que les partis les plus durs de l’opposition à Santos ne se sont pas déclarés contre le cessez-le-feu bilatéral, ce qui est un bon geste. Espérons que cela continue ainsi. »
Q: L’une des principales revendications de l’ELN, dans ces négociations, est la fin des meurtres de dirigeants de mouvements sociaux. Est-elle entendue?
R: « Malheureusement ils restent en hausse. Le gouvernement a dit qu’il ferait en sorte de prendre plus de responsabilités face à cela. Espérons que cela se concrétise vraiment et que cela ait un impact, pour réduire cette tendance. »
Q: Mais si ces crimes continuent d’augmenter, serait-ce un motif pour l’ELN pour rompre le cessez-le-feu?
R: « Non, Il y a une clause dans les accords qui dit qu’aucun incident ne doit être un motif de rupture du cessez-le-feu. Cela a été pacté. »
Q: Le gouvernement veut discuter, pendant la trêve, la libération des otages de la guérilla. Avez-vous l’intention d’en relâcher comme signe de paix?
R: « Pour l’instant, le cessez-le-feu est respecté, il a été dit qu’il ne s’agissait pas seulement de cesser les opérations offensives, mais aussi d’adopter des mesures humanitaires. C’est la parole donnée et nous aspirons à ce que le cessez-le-feu, qui a bien commencé, termine de la même manière le 9 janvier. »
Q: Comment avance le déminage?
R: « C’est un plan que nous allons définir dans le quatrième cycle (de négociations, à partir du 23 octobre, ndlr). L’accord est noué. Nous avons déjà repéré quelques zones où cela pourrait être fait (…). Il faut mettre cela en pratique. »
Q: Quel est votre bilan, jusqu’à présent, du cessez-le-feu?
R: « Le ministre de la Défense a déjà donné un bilan, en disant que jusqu’à aujourd’hui (mardi, ndlr), le respect du cessez-le-feu est total, avec comme résultat qu’il n’y a eu aucun incident (…). De notre côté nous avons également observé du calme dans toutes les zones et le respect (de la trêve). La parole a été respectée et il n’y aura absolument aucune opération offensive pendant ces 101 jours. »
Q: Et des opérations défensives?
R: « S’il le faut. Sinon, non. Nous commençons bien. »
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