Catalogne : ultime mise en garde de Madrid et de l’Europe

Le gouvernement espagnol et l’Union européenne ont adressé mardi une ultime mise en garde au président séparatiste catalan Carles Puigdemont, l’exhortant à ne pas prendre de décision irréversible, avant un discours devant le Parlement régional où il pourrait unilatéralement proclamer l’indépendance.

Les Catalans, divisés presque à parts égales à ce sujet, et les Espagnols en général n’ont qu’une question en tête : la Catalogne, une des régions les plus riches d’Espagne, déclarera-t-elle son indépendance, tirant les conséquences du référendum illégal du 1er octobre que les séparatistes affirment avoir très largement remporté ?

L’Union européenne, déjà secouée par le Brexit, suit la crise avec inquiétude, ses dirigeants prévenant que l’Union européenne ne reconnaîtrait pas une Catalogne indépendante.

Le président du Conseil européen Donald Tusk a encouragé Carles Puigdemont à éviter « une décision qui rendrait le dialogue impossible », redoutant « un conflit dont les conséquences seraient à l’évidence négatives pour les Catalans, pour l’Espagne et pour toute l’Europe ».

Le président français Emmanuel Macron a, quant à lui, souhaité une solution pacifique face à ce qu’il a qualifié de « coup de force des Catalans ».

A Madrid, le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy a averti ces derniers jours qu’en cas de déclaration unilatérale d’indépendance, il pourrait suspendre l’autonomie de la région, une mesure jamais appliquée dans cette monarchie parlementaire extrêmement décentralisée.

– ‘Il ne cèdera pas’ –

« Je veux demander à M. Puigdemont qu’il n’entreprenne rien d’irréversible, qu’il n’emprunte aucun chemin sans retour », a déclaré mardi devant la presse le porte-parole du gouvernement Inigo Mendez de Vigo.

« Vive la Catalogne libre ! », a lancé en guise de réponse un élu séparatiste au cours d’une séance houleuse au Sénat espagnol.

Signe des tensions régnant dans l’attente des événements prévus pour dans la soirée, la police catalane, les Mossos d’Esquadra, s’est déployée dès l’aube aux alentours du parlement régional.

Carles Puigdemont, un ancien journaliste de 54 ans, indépendantiste depuis son plus jeune âge, pourrait choisir une voie médiane, une « déclaration d’indépendance en différé », ou se contenter d’une proclamation symbolique, évoquant l’urgence d’un dialogue, et enclenchant un processus par étapes, pour ne pas perdre la face.

Selon plusieurs médias espagnols, il a écrit et réécrit son texte toute la journée de lundi, tiraillé sans doute entre les partisans d’un départ sans ménagements et ceux qui craignent que le remède, l’indépendance, ne soit finalement pire que le mal, la tutelle de Madrid.

« Il n’a jamais subi autant de pressions », a déclaré une source indépendantiste à l’AFP, « mais il ne cédera ni a la CUP (Candidature d’unité populaire, parti d’extrême gauche qui fait partie de la majorité indépendantiste au Parlement catalan) ni à la Caixa », du nom de la banque espagnole qui a transféré par précaution son siège social hors de Catalogne.

Au total, six des sept entreprises catalanes cotées à l’indice des valeurs vedettes de la Bourse de Madrid ont décidé de transférer leur siège social hors de la région qui compte 7,5 millions d’habitants et pèse 19% du PIB du pays. La compagnie d’assurances Catalana Occidente et l’agence de voyages en ligne e-dreams leur ont emboîté le pas mardi.

Cet exode continuerait en cas de déclaration unilatérale d’indépendance, qui serait « un désastre » pour l’Espagne et pour la Catalogne, a estimé mardi le président de la Chambre de commerce espagnole, José Luis Bonet.

– Vieux fantômes –

Mais les séparatistes encouragent M. Puigdemont à persévérer, même si le leader catalan et ses lieutenants risquent une arrestation dès mardi.

Dans les rues de Barcelone, on retenait son souffle.

« Je me positionne comme indépendantiste, mais c’est vrai que je n’aurais jamais imaginé qu’on en arriverait là », confie Neus Aviles, 61 ans.

Outre la possibilité de suspendre l’autonomie de la Catalogne, Mariano Rajoy a d’autres instruments à sa disposition, en cas de déclaration d’indépendance.

Il a déjà pris le contrôle des finances de cette région en septembre. Il peut aussi instaurer un état d’urgence allégé lui permettant d’agir par décrets.

Toute mesure draconienne risque cependant de provoquer des troubles en Catalogne, où huit électeurs sur dix auraient souhaité un référendum en bonne et due forme, en lieu et place de celui du 1er octobre.

La tension y est déjà extrême, ainsi que dans toute l’Espagne où les vieux fantômes du passé ressurgissent quand parmi les « patriotes » défendant l’unité du royaume se glissent des nostalgiques de la dictature de Francisco Franco (1939-1975).

De nombreuses questions demeurent aussi sur la mise en oeuvre d’une telle indépendance dans une région qui a d’ores et déjà la main sur l’éducation, la santé et la police mais où les finances et le contrôle de l’espace aérien, des infrastructures (ports, aéroports, réseau ferroviaire, télécommunications, etc.) et de l’armée restent entre les mains de l’Etat central.

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